jeudi 20 octobre 2016

Le train électrique (Электричка)


Chaque matin non chômé, le Russien ordinaire de banlieue doit, afin de se rendre à son lieu de travail, prendre le train électrique jusqu'à la ville ("élektritchka") pendant parfois une heure ou deux, suivi d'une virée en métro ou en bus parmi les embouteillages ; les touristes se plaignant de l'affluence du métropolitain moscovite doivent se souvenir qu'on s'y sent très à l'aise, si l'on compare l'expérience à celle de l'élektritchka hivernale de six heures du matin, bondée à ras-bord de travailleurs en manteau-doudoune. Il arrive souvent de devoir attendre le suivant sur le quai lorsque le tambour ne peut plus accueillir le moindre centimètre. Et parfois encore le suivant. On a souvent un peu froid après trente minutes de neige et de nuit ; mais on ne regrette pas toujours le froid en rejoignant la fournaise humide du wagon.



Après ce voyage, le Russien ordinaire passera la journée à vendre des fleurs, des raviolis de Russie (pielménis) ou de l'électroménager (liste non-exhaustive et exténuante) aux gens plus aisés des centres-villes. Le travailleur y sera confronté à des clients souvent plus grossiers que lui, et devra travailler selon les règles dites libérales d'un étranger ou d'un moudak de nouveau riche, le tout pour un salaire soigneusement calculé afin d'éviter au chanceux la peine de déménager plus près d'un lieu de travail de toute façon probablement temporaire. C'est la vie et le destin est inflexible.

A l'heure de la débauche, retour dans le métro, puis dans une élektritchka aussi accueillante que le matin. En arrivant à la maison, il fait nuit. Il est l'heure de manger, puis de dormir : ce n'est pas demain la fête de la Victoire de la Grande guerre patriotique.

Le visiteur ne manquera pas de s'étonner de la mauvaise humeur ambiante. Pourquoi les gens font-ils la gueule, alors que l'eau et le gaz ne coûtent pas cher (quand ils ne sont pas coupés pour la semaine) ?

En peu de mots, Kino nous offre un morceau délicatement malsain qui ne risque guère de se démoder avant un bon moment.

[Ecouter la chanson : ICI.]


Le train électrique

Hier, je me suis couché trop tard, aujourd'hui je me suis levé tôt,
Hier, je me suis couché trop tard, je n'ai presque pas dormi.
Ce matin, j'aurais probablement dû aller chez le médecin, (1)
Mais maintenant, le train électrique me transporte là où je ne veux pas.

Le train électrique me transporte là où je ne veux pas.
Le train électrique me transporte là où je ne veux pas.

Il fait froid dans le tambour, et en même temps il fait bon en quelque sorte, (2)
Le tambour est enfumé, et en même temps il fait frais en quelque sorte.
Pourquoi je me tais, pourquoi je ne crie pas ? Je garde le silence. (3)
Le train électrique me transporte là où je ne veux pas.

Le train électrique me transporte là où je ne veux pas.
Le train électrique me transporte là où je ne veux pas.


(1) Le lecteur malin aura deviné qu'il n'y a pas besoin d'être sérieusement malade pour profiter d'un agréable petit congé maladie (non-payé, bien entendu).

(2) Le "tambour" désigne l'espace compris entre la porte extérieure du train et la porte intérieure du wagon. Je ne suis pas certain que la traduction est la bonne en français, mais tant qu'on se comprend, tout va bien. C'est dans le tambour qu'on voyage quand on n'a pas la chance d'habiter assez loin de la ville pour profiter à temps d'une place assise. Les gens y fumaient probablement avant l'interdiction et il n'y fait pas plus chaud que la chaleur d'une masse humaine.

(3) Tu ne cries pas, parce que ta cage thoracique est un peu trop à l'étroit, pressée par les dos de trois compagnons de voyage. Et aussi parce que crier ne changera probablement rien.


Электричка

Я вчера слишком поздно лег, сегодня рано встал,

Я вчера слишком поздно лег, я почти не спал.
Мне, наверно, с утра нужно было пойти к врачу,
А теперь электричка везет меня туда, куда я не хочу.


Электричка везет меня туда, куда я не хочу.
Электричка везет меня туда, куда я не хочу.


В тамбуре холодно, и в то же время как-то тепло,
В тамбуре накурено, и в то же время как-то свежо.
Почему я молчу, почему не кричу? Молчу.
Электричка везет меня туда, куда я не хочу.

Электричка везет меня туда, куда я не хочу.
Электричка везет меня туда, куда я не хочу.

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